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Les Démocrates doivent empêcher la fin hollywoodienne de Ted Cruz

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Article paru sur le site de Rolling Stone USA le 11 octobre 2013

Auteur : Matt Taibbi.

Traduction : SuperNo.

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Illustration de l’article original : le Sénateur Ted Cruz

Ayant vécu dans l’ancienne Union Soviétique pendant 10 ans, j’aurai pour toujours gravé au bas de mon cervelet l’autocollant commémoratif « WWSD ? » [What Would Stalin Do?]

 Que ferait Staline ? C’est une question utile à se poser parfois, car elle offre des perspectives intéressantes. Qu’aurait fait Staline avec Britney Spears ? Il l’aurait nommée Artiste du Peuple de l’Union Soviétique, donnant son nom au train Leningrad-Mourmansk . Dan Dierdorf [NdT : un ancien joueur de football américain] aurait été fait secrétaire de la région de Sverdlovsk. Shepard Smith [NdT : un présentateur télé de Fox News] aurait sans doute été choisi pour diriger le ministère de la presse, avant peut-être de passer aux affaires étrangères. Il est difficile de ne pas contempler le paysage américain sans y voir toutes sortes de gens que le vieux séminariste [NdT : si si, Staline a vraiment été séminariste. Comme quoi ça ne mène pas obligatoirement qu’à la pédophilie…] aurait vraiment appréciés.

Mais la principale raison qui me fait penser à ça maintenant, c’est le problème du plafond de la dette et de la fermeture du gouvernement [NdT : oui, tous les journaleux prétentieux qui ne savent pas de quoi ils parlent se gargarisent du mot « shutdown », mais à part à se la péter, je ne vois pas l’intérêt de ne pas traduire ce mot]. Comment Staline se serait-il démerdé avec tout ça ? Instinctivement, je me pose la question sans avoir de réponse.

Je suppose qu’il aurait pris les membres du groupe du sénateur du Tea Party Ted Cruz, les aurait chargés dans des wagons à bestiaux, et les aurait déplacés dans une région sauvage et boisée de la forêt nationale de Chugach en Alaska. Une fois là, les gardes auraient fourni des scies et des marteaux à ces très estimés législateurs (toujours vêtus de costards ou d’escarpins, pas de gaspillage gouvernemental dans l’achat de parkas !) et leur aurait demandé de bâtir les bureaux d’une nouvelle branche du congrès à partir des arbres encore debout qui les entouraient. Toujours soucieux des coûts, Staline préférait, à chaque fois que c’était possible, déplacer ses populations pestiférées vers des déserts lointains et des taïgas plutôt que de gaspiller des balles pour les liquider. Les membres du Congrès du Tea Party seraient naturellement l’une des premières nationalités déplacées.

Les leaders des mouvements, c’était un autre problème. Avec ceux-là, il fallait absolument faire des exemples publics. Par exemple avec Cruz et compagnie, le vieux Koba aurait sûrement choisi la voie des « assassins de Kirov ». D’abord, on aurait eu quelqu’un comme Ted Yoho  [NdT : un représentant du groupe du Tea Party] qui aurait mordu une pomme explosive au cours d’une émission en direct de CNBC [NdT : une chaine d’infos financières]. Puis il aurait immédiatement envoyé quelqu’un comme Eric Holder [NdT : le procureur général des Etats-Unis] tenir une grosse conférence de presse improvisée dans laquelle la Maison Blanche, furieuse de la perte d’un si grand patriote, annoncerait un ratissage au peigne fin, d’une côte à l’autre, à la recherche des assassins de Yoho.

Puis les principaux suspects auraient fini par être arrêtés, et ce seraient exactement ceux que vous attendiez – Les frères Koch [NdT : des industriels milliardaires et ultralibéraux, idéologues du Tea Party], Rand Paul [NdT : un autre « libertaré » du Tea Party] et bien sûr Cruz lui-même, qui, pleurant et demandant pardon, confesserait le crime avec force détails scabreux lors d’un procès télévisé en direct. Il a contraint Michelle Bachmann [NdT : un des plus grosses buses (pardon à la SPA) de la politique américaine, foldingue du Tea Party] à concevoir la pomme explosive ! Ils ont conspiré pour qu’elle soit livrée sur place par Maria Bartiromo [NdT : une présentatrice de CNBC]. Et s’ils ont tous décidé de le supprimer, c’est par jalousie (on parlait trop de lui dans la presse pour avoir pourri le débat, en disant qu’un défaut [NdT : sur la dette] apporterait de la stabilité sur les marchés mondiaux) !

Je ne fais pas le moindre jugement de valeur, mais c’est çe que Staline ferait.  Et que fait Barack Obama ? Et bien, beaucoup moins que ça. Beaucoup, beaucoup moins, à tel point que ça devient un peu bizarre .

La Maison Blanche d’Obama a très justement refusé de négocier avec les Cruz-iens, mais ça manque néanmoins de conscience de l’urgence dans certaines des déclarations publiques de l’administration, et ce manque de conscience de l’urgence commencer à attirer l’attention. Kevin Drum [NdT : un blogueur américain] a écrit l’autre jour à propos du refus discret et soporifique de Jack Lew [Le « secrétaire au Trésor », alias ministre des finances américain ] de prédire une catastrophe si nous faisions défaut, lors de « Meet with the press » [NdT : une émission de la chaîne américaine NBC] du week-end dernier :

Les responsables de l’administration dansent sur la corde raide, essayant de s’assurer qu’ils ont bien et vraiment averti tout le monde du désastre que constituerait une brèche dans le plafond de la dette, mais s’abstenant en même temps de faire partir les marchés en vrille sans raison. Je ne suis pas sûr de la réponse, mais… Lew a poussé l’équilibre un peu trop loin hier sur le terrain de l’endormissement. Il doit être plus clair sur ce qui se passerait exactement si nous arrivions vraiment au jour où nous ne pourrons plus payer nos factures.

Voilà le problème dans son contexte. Chaque minute au cours de laquelle Cruz continue d’avancer enfonce les Républicains dans un trou politique plus profond, et les Démocrates le savent. Malgré l’avantage apparemment impénétrable que les Républicains ont obtenu en magouillant au cours des années (gardant leur majorité chez les Représentants en 2012 malgré un déficit de voix supérieur à 2 millions http://en.wikipedia.org/wiki/United_States_House_of_Representatives_elections,_2012), le parti risque désormais fort de perdre la chambre des Représentants en 2014. De plus, le débat sur la fermeture a créé un schisme massif dans les rangs des Républicains, symbolisé par l’affrontement verbal ouvert qui a causé la semaine dernière la rupture entre Cruz et les autres, les Sénateurs Républicains moins lunatiques lorsque le « groupe pour la réalité » a découvert que Cruz n’avait pas de stratégie de sortie à la combine de « faisons péter tout ça » qu’il promeut.

Ce schisme prépare également le parti à un échec quasi-certain dans la course présidentielle de 2016. Le gambit de Cruz – ça ressemble à une ouverture d’échecs, non ? La seule qui commence avec les blancs qui cassent leur roi en deux et balancent les figurines à travers la pièce [NdT : là Taibbi prend quelques libertés avec la réalité… Un gambit est juste une ouverture hasardeuse où l’un des joueurs prend le risque de sacrifier sciemment un pion en échange d’un peu de jeu] galvanise un engouement irrésistible pour les primaires qui balaiera quiconque essaiera de le contourner sur le chemin de la nomination.

Une chose qui rassure est que Cruz lui-même, s’il prévoit d’être ce nominé, doit avoir ici une espèce de plan. S’il le pousse trop loin, si nous faisons vraiment défaut, et si des millions d’emplois étaient perdus comme la plupart des économistes le prédisent, il doit savoir qu’il se prépare des moments terribles à faire une tournée à travers le paysage post-nucléaire qu’il va laisser dans l’Amérique profonde.

On pourrait donc penser qu’il joue une sorte de jeu, et que sa véritable stratégie de sortie sera brutalement et impitoyablement battue à la dernière minute par d’autres idiots utiles de Républicains ordinaires. Une telle action serait au moins à moitié intelligente. Elle le transformerait en martyr suprême à l’intérieur du parti, et officialiserait son statut de leader de fait du nouveau mouvement du Tea Party/3e parti qui est en train de dévorer le vieux parti Républicain comme un Streptococcus pyogenes [NdT : bactérie mangeuse de chair].

D’un autre côté, si Cruz est vraiment aussi con qu’il en a l’air, et qu’il pense que la réalisation de sa folle promesse de faire tomber tout le système est réellement ce qui peut arriver de mieux à l’Amérique, alors nous sommes en train d’assister à une refonte radicale du paysage politique. Car si nous faisons défaut et que cela provoque quoi que ce soit qui ressemblerait à la catastrophe financière mondiale que beaucoup d’économistes sérieux pronostiquent, l’intérêt pour Cruz sera détourné et le parti Républicain sera contraint de se reconstruire de zéro.

Les Démocrates modernes peuvent être moralement suspectés de cynisme et ont fait tomber le pays de problème en problème, de la NSA à la torture à l’étranger en passant par leur refus de combattre la corruption sur les marchés financiers. Mais politiquement, ils ne sont pas stupides. Ils voient évidemment qu’il n’y a pas de souci politique à laisser Cruz jouer son jeu. Les sondages montrent que la cote de popularité du Parti Républicain a déjà chuté de 10 points, passant de 38 % à un plus bas historique de 28 %, et elle ne pourra que baisser encore à moins que le désastre soit évité.

Mais les Démocrates doivent être assez grands pour résister à la tentation de laisser les Républicains s’autodétruire. Ils devraient exercer tous les types de pression pour sauver Cruz de lui-même et sensibiliser le public sur les conséquences dramatiques d’un défaut.

Le crash de 2008 a été provoqué par la faillite d’une banque d’investissement, Lehman Brothers, et lorsque cette banque s’est effondrée, le monde a découvert qu’il était désormais tellement interconnecté financièrement qu’une faillite importante et inattendue pouvait déclencher une réaction nucléaire en chaîne de pertes. L’impact de Lehman a stupéfié tout le monde. La famille américaine moyenne a perdu 18 % de son patrimoine en l’espace de quelques mois. Le marché boursier a perdu la moitié de sa valeur. Le marché des pensions s’est effondré, gelant l’activité économique et conduisant à des baisses massives du prix des actifs. Le chômage a bondi presque instantanément au delà des 10 %.

Et ça, c’était juste la faillite d’une banque. Peut-on imaginer les conséquences de la faillite des Etats-Unis ? Les 12000 milliards de dollars de la célèbre dette gouvernementale sont 23 fois supérieurs aux 517 milliards que devait Lehman quand elle a coulé en septembre 2008. Partout où la faillite de Lehman a dévasté l’économie, la faillite de la dette américaine reproduirait ce désastre, sauf qu’elle le ferait à une échelle infiniment plus monstrueuse.

Tout le système financier mondial est basé sur l’hypothèse que les Etats-Unis ne feront jamais défaut, car dans des conditions normales et rationnelles, ce n’est pas possible. (Ils peuvent imprimer autant d’argent que nécessaire pour remplir leurs obligations, comme même Alan Greenspan l’a reconnu il y a deux ans). Avant cette dernière folie politique, personne n’aurait pu imaginer qu’un Etat souverain puisse intentionnellement faire défaut. Mais nous sommes à environ une semaine que cela se produise, et où est la mobilisation d’urgence ?

Je ne dis pas que c’est le cas, mais on se demande si les Démocrates n’ont pas fait ici un mauvais calcul, basé sur leur propre vue étroite, transactionnelle et matérialiste de la politique. Les Démocrates peuvent encore un peu rester les bras croisés, se contentant de laisser cette heureuse situation politique se développer encore un peu plus, peut-être (je n’en ai aucune preuve) convaincus que l’autre parti retrouvera ses esprits et renoncera à la dernière minute.

Mais Cruz et ses gens sont une espèce inédite à Washington – des croyants. Son groupe ne fait pas cela pour avoir des entrées aux matches des Redskins [NdT : l’équipe de football américain de Washington] ou pour des dons électoraux. Ils le font pour la fin de Thelma et Louise [NdT : si vous ne connaissez pas le film et n’avez pas envie de regarder la vidéo, à la fin du film, cernées par tous les flics des Etats-Unis, elles se jettent avec leur bagnole dans le Grand Canyon]. Un dernier tendre moment, se tenant la main et le reste, je n’ai pas la moindre idée de la manière dont les Démocrates peuvent s’y prendre pour les arrêter, mais on préfère croire qu’ils font l’impossible et ne voient pas une future victoire électorale éclatante comme leur principal atout.

Cliquer ici pour voir la vidéo.


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